Les Caribexpats sont interviewés tous les joursà 12h30 en partenariat avec la radio RCI dans l'émission "Les Antillais dans le Monde". Fabrice martiniquaisà Rome a vraiment adopté le mode de vie et la culture italienne puisqu'il vit ici depuis 25 ans déjà ! Il travaille pour une organisation internationale. Envoyez nous un e-mail pour passer dans l'émission : team caribexpat.com (remplacer par @)
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Partie 1 €“ Interview de Fabrice, martiniquaisà Rome (Italie)
Fabrice, bonjour ! On vous appelle en Italie, oùest-ce que vousêtes exactement ?
Je suis en Ombrie, c€™est prà¨s de Pérouse, c€™est la ville la plus connue qui soit tout prà¨s. C€™està une heure de train de Rome. C€™est un poumon vert, la campagne, c€™est une trà¨s belle région, tout prà¨s de la Toscane.
Depuis combien de temps vous habitez dans cette belle région d€™Italie ?
Cela fait 10 ans. Avant, j€™ai passé plus de 15 ansà Rome. Aprà¨s j€™ai décidé de sortir de la ville, il faut respirer, c€™est l€™évolution ! Je travailleà Rome mais j€™apprécie le fait d€™être un peu en dehors de Rome aprà¨s toutes ces années passées en ville.
Qu€™est-ce qui vous a emmené en Italie et qu€™est-ce que vous faites exactement ?
Je voulais changer, je devais aller en Hollande prà¨s de Maastricht et j€™en avais un peu marre de la grisaille. J€™ai eu l€™occasion de venirà Rome en été. J€™ai fait des petits boulots dans une foire aux livres. Ensuite, aprà¨s plus de 9 ansà Paris, j€™ai décidé d€™essayer l€™Italie. Ce n'était pas évident carà l€™époque il n€™y avait pas beaucoup d€™étrangersà Rome. Finalement je suis resté, j€™ai travaillé dans le tourisme pendant quelques années. J€™ai dirigé un hôtel-restaurant pour un groupe franàçaisà Venise quelques années. Quand je pensais repartir, j€™ai trouvé un boulotà la FAO, l€™organisation mondiale pour la faim dans le monde. C€™est un organisme des Nations Unies.
Qu€™est-ce que vous y faites exactement ?
Je travaille depuis 8 ans pour le traité international sur les ressources phytogénétiques. Je suis assistant administratif. J€™organise des réunions et des workshops partout dans le monde chaque semaine. C€™est assez passionnant et intense. Aussi,être dans une ambiance internationale, c€™est quand même bien parce qu€™on rencontre des gens de tous les pays. Je suis baséà Rome et il y a un peu de soleil doncàça aide.
Vous pratiquez beaucoup de langues parce que les langues des Nations Unies sont d€™abord l€™anglais, le franàçais et puis bien sà»r toutes les langues du monde ?
Je travaille surtout en anglais et en franàçais, un petit peu en espagnol.à‰tant francophone, je suis plus sollicité pour des traductions de temps en temps. Mais la langue dominante c€™est l€™anglais. L€™espagnol est trà¨s important aussi parce qu€™on travaille avec plusieurs personnes de toutes les régions. Bien sà»r, il y a le chinois et l€™arabe qui sont des langues un peu moins parlées et qui sont tout de même trà¨s importantes. Si on parle l€™anglais et l€™arabe ou l€™anglais et le chinois, c€™est quand même pas mal. La chose la plus intéressante c€™est qu€™on a tous les pays. C€™est fantastique !
Est-ce queàça correspondà ce que vous recherchiez de ce pays là quand vous vous yêtes installé il y a 25 ans environ ?
A l€™époque, c€™était surtout une expérienceà l€™étranger. L€™Italie m€™a plu par rapportà son soleil, la mer pas loin, surtout Rome, ce n€™est pas Milan. Cela me changeait de la France et de Paris. Une fois que j€™ai appris la langue, je me suis quand même assez bien intégré doncàça a été.
Partie 2 €“ Interview de Fabrice, martiniquaisà Rome (Italie)
Je ne m€™attendais pasà autre chose que ce que j€™ai connu en Italie. C€™est un pays qui n€™a pas une histoire coloniale trà¨s intéressante. Ils ont essayé avec l€™à‰thiopie, mais ils n€™ont pas vraiment réussi, l€™à‰rythrée, la Libye et la Somalie ont fait partie de leur pseudo-conquêtes maisàça n€™a pas été un pays comme la France qui a eut des colonies. Ils sont donc moins habituésà voir des étrangers. D€™un côté, 50% de la population est trà¨s accueillante et trà¨s ouverte. Les Italiens ont quand même immigrés aux Etats-Unis dans les années 1920. On les traitait comme on traite les migrants actuellement, même en France. Il y a bien sà»r la mafia. Rome est un peu « bordélique » je dirais, mais c€™est l'Italie. Naples c€™est le folklore aussi etàça n€™a pas été une surprise. Je savaisà quoi je m€™attendais, j€™ai juste décidé de changer un peu de cadre. Maisàça fait partie du charme aussi !
Au-delà des images que l€™on voit de l€™Italie en tant que trà¨s beau pays touristique, vous connaissez le pays de l€™intérieur. Au final, c€™est une société qui fonctionne bien ?
C€™est compliqué économiquement surtoutà partir de Rome et jusqu€™au Sud, c€™est une situation assez critique. Le sud est contrôlé par des organisations. Les jeunes partent, ils émigrent. Il y a une communauté italienne trà¨s trà¨s importante en Allemagne ouà Londres qui n€™a pas beaucoup de travail. Le nord de l€™Italie est un peu plus riche, plus stable et aussi un peu plus xénophobe, puisqu€™ils ont toujours voulu se séparer du sud de l€™Italie....Il faut savoir que le fascisme n€™a jamais été éradiqué totalement. A Rome il y a toujours eu la maison Mussolini, il y a toujours eut des fascistes, etc. Il y a aussi une trà¨s trà¨s grande opposition anti-fasciste trà¨s puissante en Europe d€™ailleurs, je pense c€™est l€™une des organisations des plus tenaces, doncàça équilibre. Mais je dois dire qu€™on vit un moment un peu particulier. Je pense que c€™est global mais, en Italie, on le ressent un peu plus puisqueàça fait 10 ans quand même qu€™on a des débarquements de migrants. Les médias diabolisent comme d€™habitude etàça crée une ambiance de xénophobie. La semaine dernià¨re, un Sénégalais a été tué par un Italien. L€™ambiance est donc tendue.
En tant que Martiniquaisà Rome, vous avez trouvé votre place, vous vous sentez en sécurité ?
Oui mais on est jamais en sécurité quand on est différent. Mais le fait de parler la langue, et d€™être quand même privilégié, car je suis arrivé avant qu€™il n€™y ait tout cela, donc on comprend beaucoup plus de choses. Mais il y a quand même des raids le soirà Rome même si ce n€™est pas médiatisé. Donc c€™est vrai qu€™il y a une ambiance d€™insécurité pour les étrangers. En même temps on n€™est pas encore arrivéà des niveaux extrêmes. Et vu qu€™il y a eut les élections dernià¨rement et que l'extrême droite s€™est bien placée, la crise économique aidant,àça ne rend pas les choses faciles.
Partie 3 €“ Interview de Fabrice, martiniquaisà Rome (Italie)
Il y a quand même une seconde génération de jeunes noirs Italiens. Il sont nés ici, ils ont encore du malà se faire reconnaître. Le plus connu c€™est Balotelli qui a été adopté du Ghana, mais il y a quand même une grande population. Donc c€™est un peu en contraste, je pense que c€™est toute l€™Europe, la base migratoire qui n€™est pas si exceptionnelle queàça. Je pense que l€™Europe pourrait faire faceà àça mais c€™est un peu le refus et l€™égoà¯sme. On se referme sur soi-même. On allait bombarder en Libye et créer des problà¨mes là bas et aprà¨s on s€™inquià¨te que les gens viennent. Je ne vais pas faire un débat vu qu€™on a vécu en Italie plus de 10à 15 ans. Ce dont on parle dans les médias,àça arrive depuis 15 ans en Italie : les bateaux qui coulent, les immigrés qui meurent dans la mer. J€™ai pu allerà Lampeduza voir les centres et c€™est impressionnant.Çà a fait longtemps queàça dure. Donc c€™est un peu hypocrite de la part de l€™Europe. L€™Italie paye un prix un peu plus fort parce qu€™on a des côtes. Imaginez uneîle comme la Martinique. Tu es en train de bronzer et tu vois des bateaux qui arrivent avec des gens qui ont faim. Qu€™est-ce-que tu fais ? C€™estàça ! Ils accueillent quand même donc dire que l€™Italie est un pays raciste, ce n€™est pas vrai. Il y a le fascisme, mais ils ont quand même eut toutes ces années beaucoup d€™immigration et c€™était aussi xploité par les organisations. Et en même temps, il faut dire qu€™il y a eu beaucoup de gens qui ont été sauvés par les Italiens, par des pêcheurs italiens quand les gouvernements ne faisaient rien. Donc il faut quand même reconnaîtreàça en Italie. Je pense que tous les problà¨mes racistes qu€™on vit maintenant sont aussi liésà tout ce que l€™Europe a semé auparavant et l€™Italie est au premier plan. Maintenant quand les fascistes jouent la carte des migrants pour prendre des votes, il ne faut pas s€™en étonner.
On va revenirà votre vie en Italie qui se partage aussi avec l€™à‰thiopie, c€™est un des pays effectivement qui a été occupé par l€™Italie. Racontez-moi ce que vous faites entre Rome et Addis-Abeba ?
C€™est 6h de vol. Il faut savoir qu€™à Rome il y a la plus grosse communauté éthiopienne. Cela se passe assez bien etàça te donne l€™envie d€™aller en Afrique, surtoutà Addis. C€™est un vol direct. J€™ai eu un restaurant pendant trois ansà Addis-Abeba. Mon épouse est éthiopienne. J€™ai toujours beaucoup aimé l€™à‰thiopie, depuis 2009 j€™ai eu l€™occasion d€™y aller et j€™ai quand même bien tourné dans le pays. J€™ai un appartementà Addis et je vis là bas aussi. Je vis surtoutà Rome puisque c€™est là oùje travaille et dà¨s que je peux je suisà Addis-Abeba.
Partie 4 €“ Interview de Fabrice, martiniquaisà Rome (Italie)
On va revenir vraiment en arrià¨re. Vous avez grandi oùen Martinique ?
J€™ai grandi au Lamentin, mes parents sont entre le Franàçois et Didier.
Vous gardez quels souvenirs de votre jeunesse en Martinique ?
Bagay la té bon ! C€™est la base, la racine qu€™on ne perd jamais. Je pense qu€™un martiniquais ne peut pas oublier totalement la culture, il reste toujours martiniquais. Comme on dit €œle soleil est toujours dans ton cÅ“ur€ oùque tu ailles, je pense que même s€™il va au Groenland, il sera toujours martiniquais. Je n€™ai que des bons souvenirs, j€™ai ma famille là bas, on ne peut pas oublier toutàça. A Rome, il n€™y a pas beaucoup de gens qui connaissent vraiment la Martinique donc tu te sens un peu l€™ambassadeur !
Quand est-ce que vous l€™avez quitté et pourquoi faire ?
Je suis partià Paris pour étudier, j€™avais 19 ans je ne m€™en rappelle même pas. Et c€™est comme si je ne l€™avais jamais quitté en fait. On dit qu€™ on quitte la Martinique, mais on vit toujours en Martinique.
Vousêtes parti pour vos études c€™estàça ?
Oui,à l€™époque je faisais communication et journalisme, donc j€™ai fait deux ans. Et aprà¨s j€™ai commencé sur le cinéma et puis j€™ai laissé tomber. Je me suis retrouvée en Italie, je suis tombé dans le tourisme et maintenant je suis aux Nations Unies. C€™est un parcours un peu particulier, maisàça se passe bien quand même.
Racontez-moi un petit peu l€™époque des restaurants que vous aviez. Vous m€™avez parlé de Venise c€™estàça ?
Oui, Venise c€™était quand je m€™occupais du tourisme et je gérais des groupes de Franàçais qui venait en Italie. J€™avais donc Venise comme destination oùj€™allais vérifier les restaurants, les hôtels, et rencontrer les guides. C€™était une belle période aussi et j€™ai beaucoup apprécié le fait de pouvoirêtre prà¨s de la culture italienne et en même temps de bosser.
Aujourd€™hui quels sont vos projetsà la fois professionnels et personnels ?
Au niveau professionnel, je suis sur le traité et je suis bien là pour le moment. C€™est vrai que j€™attends de voir un peu la situation enà‰thiopie mais j€™espà¨re queàça va bien se passer. Je peux retourner au pays aussi,àça a toujours été dans mes projets.
Mais ce serait donc beaucoup plus tard pour la retraite ?
Peutêtre ou peutêtre avant.
Et entre temps vous revenez également en Martinique de temps en temps ?
Quand je peux. C€™est vrai que ce n€™est pas évident, ayant de la famille enà‰thiopie, il faut quand même du temps et puis aller en Martinique pour une semaine je n€™aime pas trop. J€™y suis allé l€™an dernier et j€™y étais quand même pendant plus de 20 jours, c€™était bien d€™être prà¨s de la famille, et voir le pays. Maintenant apparemment les prix ont baissé pour les billets d€™avion,àça va arranger les choses aussi.
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