Retrouvez les interviews de Caribexpats tous les joursà 12h30 dans "Les Antillais dans le Monde" en partenariat avec la radio RCI. Antillaiseà Toronto installée ici depuis 2010, Katia est réalisatrice et travaille dans le secteur du cinéma. Elle a quitté la Guadeloupe pour s€™installerà Toronto avec sa famille. Pour passerà l'émission, contactez-nousà team caribexpat.com (remplacer par @) ! Caribexpat vous aideà tout planifier pour trouver un emploi et immigrer au Canada grceà nos experts qui vous accompagnent sur place !
Réécouter l' interview de Katia, antillaiseà Toronto
Partie 1 €“ Interview de Katia antillaiseà Toronto
Bonjour Katia. Cela fait huit ans que vous vivez au Canada. Comment a commencé cette aventure pour vous ?
Mon mari et mes enfants, nous sommes partis au Canada. C€™est une décision qu€™on a prise parce que le Canada est un pays bilingue. Etàça nous permettait d€™évoluer dans un grand pays diamétralement opposéà nosîles toutes petites. Commentàça a démarré ? Donc, on n€™est pas parti commeàça ; on s€™est vraiment préparé parce qu€™avec des enfants ce n€™est pas comme quand on partà PVTiste, oùl€™on part soi et soi. Quand on part en famille, c€™est important de prévoir la scolarité des enfants. Pour les inscrire, c€™est important d€™avoir une adresse. On avait notre résidence permanente avant de partir etàça nous a permis de nous installer rapidement. Il y avait certaines formalités administrativesà effectuer d€™entrée de jeu, notamment au niveau de la sécurité sociale, ils appellentàça €˜ le numéro d€™assurance sociale €™ qui nous permettait d€™avoir une couverture. Ce sont des accords entre la France et le Canada. Et ensuite on a cherché un logement, qui une fois sur place nous a permis de chercher un vrai logement.
Et comment s€™est déroulée votre installation par la suite ?
Comme on est arrivé en tant que résident permanent on a eu une semaine d€™ateliers organisés par le ministà¨re de l€™immigration qui nous parlait un petit peu des codes culturels canadiens et québécois parce qu€™il y a quand même une différence entre les deux. Au Québec on parle franàçais ou québécois, età l€™extérieur du Québec c€™est un peu différent. C€™est essentiellement réseauter, rencontrer du monde, il y a des personnes qui parlent de faire du bénévolat. Nous on était diplômés donc on a trouvé du travail rapidement, nos enfants ont été scolarisés, le plus grand était scolarisé rapidement, le plus jeune a trouvé une place en crà¨che rapidement.Çà a s€™est fait trà¨s vite. Je ne peux pas dire qu€™on a eu un écueil. On a dà» faire notre numéro de sécurité sociale. Ensuite on a échangé nos permis de conduire et c€™est tout. C€™était vraiment tranquille. La difficulté s€™est présentée plus au niveau des choses culturelles parce qu€™on arrivait des Antilles, donc il faut comprendre comment les gens fonctionnent. Le dollar canadien ne représente pas la même chose que l€™euro. Il faut comprendre les nuances culturelles, c€™est là qu€™on voit que le québécois c€™est une langue qui a beaucoup de points communs avec le créole,àça s€™explique par l€™histoire. C€™était quand même intéressant de voir cet héritage parce que le québécois c€™est un vieux franàçais qui s€™est arrêté dans le temps,àçà a un charme en même. C€™est un vieux franàçais anglicisé avec toutes ces influences. Au fur età mesure qu€™on vità un endroit, on comprend un peu comment naviguer pour s€™intégrer au mieux.
Vous avez pu vous adapterà la langue,à l€™accent québécois facilement ?
J€™étais un peu réticente au départ. Je voyais que tout le monde avait cet accent québécois que je trouve un peu particulier. Je me disais : €œEst-ce-qu€™on est obligé de parler commeàça pour se faire accepter ?€ L€™accent est passé au travers. Je connais des Antillais qui ont quelques expressions dans le langage, mais chez moi ce n€™est pas entré, on va dire !
Partie 2 €“ Interview Katia antillaiseà Toronto
On est restéà Montréal pendant quasiment deux ans et on a fait le choix par la suite de s€™installerà Toronto. Cela fait six ans qu€™on y est, parce que Toronto ou l€™Ontario c€™est le poumon économique de Canada. C€™est un endroit oùl€™on peut travailler en franàçais et en anglais. C€™est super bien quoi ! L€™esprit de solidarité qu€™on retrouve dans la communauté francophoneà Toronto est un peu différent de Montréal. On ne l€™a pas vécu de la même manià¨re. Il y a pas mal d€™Haà¯tiensà Montréal et des Nord Africains aussi. Mais on n€™est pas resté suffisamment longtemps donc on ne va pas vraiment comparer. Mais on se sentait mieux dans cet environnement anglophone. Toronto, souvent on dit que c€™est le New-York du Canada parce que c€™est trà¨s multiculturel. Il y a des restaurants de partout dans le monde, plein de festivals.
Par rapportà votre profession de cinéaste aussi c€™est peut-être plus facile pour une antillaiseà Toronto ?
C€™est vrai que par exemple en ce moment, il y a le festival international du film de Toronto qui est un grand festival..Je ne sais pas si c€™est plus facile, ou c€™est autrement. J€™arrivaisà une période de ma vie oùj€™avais envie de m€™épanouir et de faire corps avec ma passion. Aprà¨s, la vie au Canada n€™est pas l€™Eldorado. Il ne faut pas penser que c€™est le rêve canadien. C€™est un avantage d€™être Franàçais, d€™être Européen parce qu€™il y a des accords. Cela permet d€™avoir une équivalence ou reconnaissance des diplômes automatique qui n€™est pas le cas de personnes qui viennent d€™autres pays par exemple. Au quotidien c€™est comprendre comment on se gare, parce que ce n€™est pas du tout comme aux Antilles et en France. En Amérique du Nord, on ne mange pas de la même manià¨re, tout est plus sucré, plus salé. Il ne faut pas s€™attendreà de la grande gastronomie. Mais on a quand même la possibilité de manger local si on veut. Si je veux manger des mangues, du corossol, de la canneà sucre, des fruitsà pain, des bananes vertes je peux en avoir tout le temps. C€™est appréciable de pouvoir aller faire ses coursesà n€™importe quelle heure parce que les grands supermarchés sont ouverts 24h/24h. C€™est un autre style de vie. A Toronto les gens sont trà¨s carriéristes. On s€™attendà ce que les gens travaillent 12 heures par jour. Il y a cesà prioris, quand on est Franàçais, quand on est au Québec, quand on parle bien, parfois les gens grincent un peu des temps parce que c€™est comme si on leur donnait l€™impression de parler mieux qu€™eux, donc dà¨s foisàça gà¨ne. Par exemple, ils ne vont pas dire une agrafeuse, ils vont dire une brocheuse. Au début ce n€™est pas évidentà comprendre. Quand j€™étais au boulot, on m€™a dit : €œEst-ce que tu as une brocheuse ?€. J€™ai dit : €œUne brocheuse, qu€™est-ce que c€™est ?€. Une autre franàçaise qui a dit que c€™est une agrafeuse, je fais €œAh ! Une Agrafeuse !€. En plus je suis bien consciente du fait que j€™ai un accent bien prononcé. L€™expérience d€™immigration au Canada, il y a beaucoup de gens qui en parlent et qui rêvent de venir ici, tout dépend de ce qu€™on veut. Est-ce qu€™on a envie de venir au Canada pour y vivre, pour s€™installer, pour découvrir ? Le Canada est immense. Ne serait-ce qu€™entre la côte est donc Toronto, Montréal, vers Vancouver sur la côte ouest c€™est 6 heures de vol, avec 2 fuseaux horaires différents. C€™est un pays trà¨s bien pour faire du plein air. Mais il ne faut pas se leurrer, il y a énormément de racisme au Canada.Çà a en fait partie. Il y a du racisme en France aussi, il y a du racisme partout.
Comment s€™est passé l€™intégration pour vos enfants ?
Le plus grand, quand nous sommes arrivés, il rentrait en 3à¨me. Le systà¨me scolaire n€™est pas terrible. On l€™a inscrit dans une école privée d€™enseignement franàçais, donc il a passé son brevet des collà¨ges. Et puis il a passé son bac international. Le petit était trop petit pour savoir et se rendre compte car il allaità la crà¨che et aujourd€™hui il ne connaît rien d€™autre. Le plus grand a étéà l€™école ailleurs, il s€™y est plu parce qu€™il s€™est fait des amis avec qui il est encore en contact aujourd€™hui. Il a pu faire des choses et avancer beaucoup plus que si on était resté au Antilles par exemple. Le plus petit est dans une école qui est bien, il vaà l€™école en Anglais, maisà la maison on parle Franàçais. L€™éducation au Canada est un peu différente de la France. Les enfants sont rois ici, on n€™a pas trop l€™habitude deàça. Il y a quand même une culture de la délation dont il est interdit de trop crier sur les enfants. Je ne viens pas de la culture oùl€™on demandeà un gamin de 5 ans ce qu€™il veut manger oùje lui donne son petit caddie au supermarché pour qu€™il choisisse ce qu€™il va manger. J€™ai un peu de mal avecàça. On leur donne une place, une prise de décision qui,à mon sens, n€™a pas lieuà cetge-là . Mais c€™est mon opinion. Quand on est arrivéà Toronto, c€™était : €œAh mais je ne comprends pas, tu dis que tu es Franàçaise, mais tu es noire, commentàça se fait ? Mais tu viens d€™oùvraiment ?€ Tout le monde pense que le Canada est un pays hyper tolérant, oui de prime abordàça l€™est. Mais c€™est peut-être plus subtil qu€™ailleurs. Il y a des jours avec, il y a des jours sans, il faut faire attentionà l€™intimidation. Ici, il y a quand même un gros problà¨me de santé mental chez les jeunes. Je ne pourrais pas dire de trop mauvaises choses sur le Canada, comme je ne peux dire de trop bonnes choses. Je dirais que je me sens suffisamment bien ici pour dire que c€™est chez moi mais suffisamment bien en Guadeloupe pour dire que c€™est chez moi aussi. Je me sens suffisamment bien partout. Il y a du bon et du mauvais dans tout. L€™erreurà ne pas commettre c€™est d€™idéaliser e pays et penser que tout va trà¨s. Ce n€™est pas vrai. Il y a des points positifs et des points négatifs. Et les enfants, ceà quoi on a fait attention, surtout pour le plus grand, c€™était qu€™il puisse se faire de nouveaux amis, et qu€™il se sente suffisamment bien. Le plus grand a toujours préféré Montréalà Toronto par exemple parce qu€™il trouvait que c€™était plus sympa. Pour des gens de notre couleur de peau, il y a plus d€™opportunités professionnellesà Toronto qu€™à Montréal. A Montréal, les noms québécois sont vraiment spécifiques, ce qui fait que tout de suite, de par le nom, on sait si quelqu€™un est québécois ou non, donc c€™est facile de filtrer.
Partie 4 €“ Interview de Katia antillaiseà Toronto
On est en Amérique du Nord. En 10h de voiture ou 6h de voiture on està New York, on està Détroit. En tant qu€™ antillais,à Toronto, pour quelqu€™un qui a des inspirations, c€™est une destinationà envisager. Je suis cinéaste ici, je réalise des films, des documentaires. Je ne sais pas si j€™aurais la possibilité de le faire ailleurs. Je m€™y plais suffisamment pour vivre de ma passion et réaliser mon rêve.
En tant que cinéaste, est-ce que les choses ont été difficiles pour exercer votre métier librement ?
C€™est sà»r que le cinéma est un peu abstrait, on ne sait pas ce que c€™est, etc. Oui,àça a été difficile parce que je me suis réorienté professionnellement. J€™ai dà» recommencer, retournerà l€™école et apprendre le B-A BA de comment faire un film. C€™est difficile, parce que d€™être une femme noire francophone dans un milieu principalement masculin, blanc, anglophone, forcément on va se heurterà des portes. Au cÅ“ur de ces discussions oùl€™on parle d€™inégalités entre les hommes et les femmes dans le cinéma. C€™est vrai qu€™il y a des initiatives qui permettent de mettre en avant les talents issus de la diversité culturelle. Mais il y a encore beaucoup de portesà pousser. Le travail que je fais, je le fais principalement en Franàçais parce qu€™il y a paradoxalement une meilleure appréciation, il y a ce désir de mettre en avant la diversité culturelle francophone au sein du Canada. Parce qu€™il y a quand même un enjeu important, les Canadiens francophones veulent faire vivre la langue alors que les Canadiens anglophones ont le souci de se diriger vers les Etats-Unis. A un tel point que la plupart des cinéastes francophones se dirigent vers Cannes, le plus souvent.
En termes d€™opportunité professionnelle, d€™une villeà une autre,àça peut passer commeàça peut ne pas passer ?
Complà¨tement ! Toronto est la ville la plus multiculturelle du Canada. C€™est là oùl€™on retrouveà peu prà¨s toutes les communautés, les nationalités, les cultures qu€™on peut retrouver dans le monde. On peut dire qu€™on retrouve des échantillonsà Toronto. Mais sorti de Toronto, ce n€™est tropàça. Il y a encore des rassemblements de Klu klux Klan ici, il ne faut pas se leurrer. Il y a des tensions ethniques, je pense aux autochtones qui sont assez graves. Toronto ce n€™est pas ce qui est le plus représentatif du Canada. D€™ailleurs, c€™està cause de cette homogénéité que beaucoup de gens se dirigent vers Toronto, principalement. Parce que mêmeà Vancouver, c€™est trà¨s asiatique.
Vous avez des projets de retour au pays, vous comptez encore rester au Canada, ou vous avez une autre destination en tête ?
Aujourd€™hui non. Mais quelque part je fais mon devoir de brandir l€™étendard antillais partout oùje vais, et j€™ai ce désir de parler des Antilles, de mettre les Antillesà l€™honneur. Quand je parle de la Guadeloupe, les gens ne savent pas oùc€™est, ils n€™en ont jamais entendu parler, ils se demandent si ce n€™est pas au Mexique €œGuadalupe€. Les gens ne comprennent la dynamique, on ne sait pas ce que c€™est qu€™un territoire d€™Outre-mer. Mais par contre, est-ce que j€™envisage un retour aux Antilles ? Pas dans l€™immédiat. Je ne veux pasêtre catégorique en disant non€, pour l€™instant mon QG c€™est Toronto. Et est-ce que j€™irai ailleurs par la suite ?Çà a dépend, c€™est encore vague, on n€™y pense pas en ces termes-là pour le moment. C€™est vrai que j€™aime parler Anglais tous les jours, alors peut-être que ce sera les Antilles mais pas forcément la Guadeloupe.