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Quitter l'étranger pourêtre entrepreneure en Guadeloupe... le défi d'Axelle

Etre entrepreneure en Guadeloupe. C'était l'objectif d'Axelle, repatriée dans son archipel natal aprà¨s une expatriation en Haà¯ti.  Axelle a plusieurs cordesà  son arc. Elle a été directrice de cabinet pour des figures politiques ou encore professeure de philosophie. Elle a également été candidate aux élections municipales de Petit-Canal. Aujourd'hui, elle est directrice de l'entreprise de consulting Alpha Kappa International. Elle a aussi fondé Caribbean Boss Lady qui encourage le leadership féminin dans la Caraà¯be. Durant son parcours du combattant pour s'insérer sur le marché du travail guadeloupéen, c'est d'ailleurs ce qu'elle a dà» expliquerà  l'un de ses premiers employeurs. "Je ne suis pas arrogante, je sais ce que j'apporte sur la table", a-t-elle affirmé. C'est une mentalité que cette femme entrepreneure en Guadeloupe souhaite démocratiser. Axelle revient sur les défis rencontrés suiteà  sa décision lors de notre Caribexpat Live spécial "Retour au pays : rentrer pourêtre entrepreneure en Guadeloupe"

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Parle-nous de ton parcours !

Je suis la fondatrice de Caribbean Boss Lady. Dans la vie de tous les jours, je suis consultante en politique publique et en solutions sexospécifiques. On me connaît dans la Caraà¯be pour mon expertise autour des campagnes électorales. J'ai accompagné pas mal de candidats aux élections municipales, territoriales et législatives, et même nationales vers la victoire. C'est une fierté pour moi et c'est surtout l'occasion, en tant que jeune professionnelle caribéenne, de pouvoir tisser un réseau de décideursà  l'échelle de la Caraà¯be pour qu'on soit vraiment dans cette optique de coopération caribéenne véritablement opérante. Mon parcours est atypique, ma formation premià¨re, c'est de la philosophie. C'est vrai qu'on peut s'étonner, avec une formation en philosophie, de finir sur des métiers trà¨s politiques. C'est toutà  fait logique parce que j'aimeà  dire que la philosophie, c'est la mà¨re de toutes les sciences. C'est vraiment l'apparition de la philosophie qui a permis, au moins en Occident, de commencerà  penser la démocratie. Il y a donc une véritable continuité. Avoir une formation solide en philosophie me permet aujourd'hui d'avoir cette capacité analytique et proactive trà¨s intéressante, notamment pour tout ce qui est stratégique mais également proposition de discoursà  fort impact.

Comment s€™est passé ton retour au pays en Guadeloupe ?   

Je suis revenueà  plusieurs reprises en Guadeloupe mais mon retour définitif,àça a été il y a cinq ans, aprà¨s une collaborationà  Saint-Martin. J 'ai voulu rentrer chez moi puisque le retour des forces vives en Guadeloupe, c'est un véritable engagement et un cheval de bataille pour moi. Je sais que ce n'est jamais facile. J'ai vécu, comme beaucoup d'autres, un nombre de difficultés parfois vraiment intenables. Mais les forces vives guadeloupéennes doivent, en tout cas, pour celles qui le peuvent, rentrer au pays pour pouvoir construire cette Guadeloupe dont nous rêvons. Il y a toujours ce delta entre la Guadeloupe rêvée et le pays réel. Au final, on ne peut pas avoir cette posture de critique perpétuelle si, malgré les capacités et les compétences que l'on a, on ne porte pas sa pierreà  l'édifice. C'est d'abord cela qui m'a motivéeà  revenir en Guadeloupe. J'ai toujours eu cette posture, en tant que philosophe, d'analyser le contexte socioculturel mais également politique en Guadeloupe. Je me suis dit qu'il était temps de rentrer et de pouvoir faire ma part. C'était vraiment important. Malgré tout ce qu'on peut rencontrer comme problématique, il faut aussi faire partie de la solution.

à€ ton retour au pays, comment t'es-tu insérée sur le marché du travail avant d'être entrepreneure en Guadeloupe ?


Répondre aux besoins de la ville de Saint-Franàçois

Quand je suis revenue en 2017, c'est feu Laurent Bernier, maire de Saint-Franàçois qui m€™a aussi remotivée puisque j'étais prête égalementà  repartirà  l'international, mais tout en restant basée Guadeloupe.  Il m€™a dit €œNon, il faut que tu rentres.€. Il a eu besoin de moià  la direction du Cabinet de la ville de Saint-Franàçois. C'est vrai que c'était peu communà  l'époque, une femme de 33 ans, Directrice de cabinet d'une ville assez importante comme Saint-Franàçois et avec de gros enjeux sur le développement touristique et économique de la Guadeloupe. 

Discuter de ses prétentions salariales

Je me souviens, quand je suis rentrée, feu Laurent Bernier me dit €œà‰coute, dis-moi de quoi tu as besoin. (...) Je ne pourrai pas payer quelqu'un comme toi, mais on va trouver un c ompromis. Le Directeur Général des Services (DGS) me regarde et me dit €œ33 ans, directrice de cabinet, bon alors, les prétentions salariales  ?€. Je savais qu'une rémunération de directeur de cabinet, pour une ville comme celle-ci, c€™était tant. Avec mes expertises internationales, mon niveau de diplôme€¦ En prenant en compte le salaire le plus élevé du fonctionnaire, les grilles, les indices... En tenant compte du fait que l'on ne peut pas dépasser plus de 95% du salaire du fonctionnaire le plus haut gradé...à€ cela, s'ajoutent toutes les primes.  J e vais donc demander tel salaire. Le DGS me regarde et me dit €œCe salaire là  ? A votregeà  33 ans, jeune cadre dans l'administration je ne touchais pas toutàça.€ J€™ai répondu : €œMais vous savez, je sais ce que j'apporte sur la table.€. Il était décontenancé : Vousêtes quand même arrogante pour une jeune personne€. J€™ai répondu, €œNon, je ne suis pas arrogante, je sais ce que j'apporte sur la table et je sais pourquoi j'ai été appelée. J'ai conscience aussi que je ne demande pas tout ceà  quoi j€™ai droit."

Avoir conscience de sa valeur

S'il y a quelque chose que je peux vraiment donner comme conseil, que ce soit au niveau entrepreneurial, que ce soit en tant qu'employé, c€™est d€™avoir conscience de votre valeur.  C€™est souvent le ton que l€™on a quand on est jeune. On a tellement envie queàça fonctionne que l'on est prêtà  se sous-estimer et se dévaluer. Il y a cette espà¨ce d'hypocrisie qui veut qu'on ne puisse pas parler de soi de faàçon positive ni s€™affirmer ou affirmer ses prétentions salariales. Non. Il fautêtre trà¨s factuel, sans en faire des tonnes et dire €œVoilà . J'ai tel niveau, telle expertise, telle expérience. J'ai réussi tels chantiers, tels dossiers avec des impacts qui sont de cet ordre là . Eh bien voilà , je peux vous apporter telle chose. Vous avez besoin de moi, et je peux vous accompagner en ce sens doncàça fait tant.".

La réalité du marché guadeloupéen

Au sujet du déclassement social, c'est vrai que quand on rentre pourêtre entrepreneure en Guadeloupe, on doitêtre aussi conscient de la réalité du marché et des possibilités des clients, que ce soit en privé ou en public. Si on veut vraiment avancer en Guadeloupe et affirmer ses expertises, on doitêtre prêtà  pouvoir s'adapter au marché.
C'est pourquoi j'ai trà¨s vite compris qu'ils ne me fallait pas abandonner mon marché international. Il y a ce côté un peu utopique de rentrer chez soi, d'apporter sa pierreà  l'édifice mais je suis aussi consciente que sur mon coeur d'expertise en tout cas, la niche est trà¨s faible en Guadeloupe. Ceux qui font appelà  mes services n'ont pas les mêmes possibilités ni les mêmes moyens que ceux de mes clients qui sontà  l'international. Je ne peux pas par exemple demanderà  une collectivité communale ou même départementale en Guadeloupe de me payer les mêmes tarifs que l'ONU Femmes, ou la Banque interaméricaine de développement. Q uand on regarde l'état des finances des collectivités en Guadeloupe, on comprend trà¨s rapidement.

Avoir de la souplesse

Il y a aussi cette plasticité et cette souplesse, qu'il nous faut pouvoir avoir sans se sous-estimer, bien évidemment. Pour pouvoir s'adapterà  la réalité du marché local et compenser, il faut, pour celles et ceux qui le peuvent, garder l'autre pied sur l'international. Depuis la Guadeloupe, on peut rayonner partout. On est dans un bassin caribéen trà¨s stratégique, avec l'Amérique du nord et l'Amérique du sud justeà  côté. On peut faire tellement de choses ! Ce qui m'embête souvent, c€™est qu€™on perd de vue que quand on est en Guadeloupe, en Martinique ou en Guyane, on est déjà à  l'international. On doit arrêter de se focaliser sur le côté trà¨s nombriliste du territoire ou toujours regarder systématiquement vers l'Europe. Le jour oùj'ai compris que la Caraà¯be, ce n€™était pas juste pour aller au World Creole Music Festival, ouà  la Heineken Regatta, mais qu'on pouvait également faire du business, je peux vous dire que ma vie a vraiment changé.

Quelles sont les difficultés rencontrées par une entrepreneure en Guadeloupe par rapportà  un entrepreneur ? 

La premià¨re entreprise que j€™ai eu, j€™avais 23 ans. C'était lors de mon premier retour pourêtre entrepreneure en Guadeloupe, juste aprà¨s mon master de philosophie. C'était une entreprise de presse en ligne. J'en étais la co-fondatrice. Je vaisà  la banque pour ouvrir un compteà  Pointe-à -Pitre. Je me souviens de cet homme, la cinquantaine, conseiller financier, qui me voit venir avec mon business plan pour demander d€™ouvrir un compte. Il me demande : €œEst-ce-que votre famille est au courant de votre démarche ?€.Çà a a été la croix et la bannià¨re pour pouvoir ouvrir ce compteà  cause des préjugés de ce monsieur sur mon sexe, monge et le fait que je sois une femme noire,àça il me l'a fait comprendre trà¨s clairement. Ce compte est resté actif pendant six mois au sein de cette banque, parce qu'à  chaque fois,àça a été trà¨s compliqué en termes relationnels avec ce monsieur.  J'ai vraiment compris que certains hommes avaient cette attitude trà¨s paternaliste et sexiste et qu'ils avaient du mal avec des jeunes femmes qui entreprennent et qui ne se font pas forcément adouber par un homme, que ce soit un époux ou un pà¨re. Il a demandéà  parlerà  mon associé qui était un homme. J'avais été extrêmement scandalisée.

Pourquoi as-tu créé Caribbean Boss Lady visantà  soutenir la femme entrepreneure en Guadeloupe et aussi dans la Caraà¯be ?


Le regard des autres

C€™est une idée que j€™ai eu quand j€™avais la vingtaine, sauf que je ne me sentais pas assez légitime pour parler de leadership fémininà  cetge là . J'étais toute jeune. Je ne me sentais pas les épaules et la carrure, ni même la légitimité pour pouvoir porter un projet pareil.à€ la base, c'était une idée de magazine portant sur les femmes leaders dans la Caraà¯be. Je m'étais mis tellement de freinsà  l'époque. Ce sont des freins que j'avais intégré, que la société me renvoyait. Vous pouvezêtre aussi forte que vous voulez maisàça vous chamboule toujours, ce que vous renvoient les autres.

L'intersectionnalité

C'est quelque chose que j'ai mis en stand-by . Il se trouve que chemin faisant, j'ai évolué professionnellement. Ce milieu para-politique dans lequel j'évolueà  titre professionnel est un milieu essentiellement masculin caucasien. Çà a détonne, d'avoir une jeune femme noire  qui porte ses cheveux naturels. Cela fait beaucoupà  intégrer. Au début ces gens là  vous regardent comme étant peut-être la secrétaire ou l'assistante qui va apporter du café mais personne n'imagine une consultante internationale. J'ai compris, au fur età  mesure, qu'il y avait quelque choseà  faire. Il fallait adresser ces problématiques de sexisme intersectionnel pour nous, dans la Caraà¯be, jeunes femmes noires d'origine africaine, indo-descendantes ou métisses comme moi. Qu'est ce qu'on peut faire pour pouvoir changer la donne ? Parce qu'on ne peut pas continuellementêtre victimes. On est quand même des actrices.àŠtre définies par le regard des autres mais aussi leurs préjugés, c'est juste pas possible.

La décrédibilisation des ressources locales

D'autant plus que j'étais en train de vivre quelque chose d'assez particulierà  Saint-Martin. J'avais accompagné un client vers la victoire. L e travail que j'avais accompli pour lui, en partenariat avec des jeunes de l'île, a été complà¨tement approprié par des personnes caucasiennes. Il s'est lui-même porté garant de cette appropriation et cela m'avait extrêmement choquée en tant que jeune professionnelle afro et indo-descendante caribéenne. On a déjà  des difficultés monstresà  s'intégrer professionnellement sur nos territoires d'origines, mais si en plus des gens de chez nous, des hommes de pouvoir, cautionnent et institutionnalisent ce genre de choses... Quelle crédibilité pour nous ? Vous ne pouvez pasêtre quelqu'un au pouvoir et en même temps décrédibiliser les ressources locales. C€™était le déclic pour la création de Caribbean Boss Lady . C'était en octobre 2016. J'ai compris que j€™étais prête et que je me sentais toutà  fait légitime avec cette douleur, cette frustration tout aussi professionnelle de pouvoir en faire une voie.

La rage éloquente qui m'a menéeà  devenir entrepreneure en Guadeloupe

Il y a une auteure afro-américaine que j'aime beaucoup, auteure de Eloquent rage . Je pense queàça a été ma rage éloquente. C'està  ce moment que je me suis dit €œNon,àça fait trop. Mais il faut que cette chose là  soit transformée en une énergie positive€.

Comment Caribbean Boss Lady aide la femme entrepreneure en Guadeloupe et en général les femmes des Caraà¯bes souhaitant entreprendre ?


Soutien de projets féminins

Nous sommes sur du leadership féminin en général. Nous touchons égalementà  l'entrepreneuriat. Nous avons eu l'occasion de lancer la campagne €œElle s'engage€, pour encourager l'engagement politique des jeunes femmes dans la Caraà¯be franàçaise et francophone. D'ailleurs, nous avons été sollicité par le bureau d'Haà¯ti d'ONU Femmes pour lancer un trà¨s beau projet : la premià¨re académie de leadership politique féminin d€™Haà¯ti. Il s'agissait de mettre en place un programme de formation en présentiel et en distanciel, avec des experts caribéens mais aussi internationaux pour former ces femmes qui seront candidates aux élections présidentielles et législatives.

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

à€ partir de mon engagement professionnel de c onsultante et l'engagement sociétal de Caribbean Boss Lady, j 'ai été approchée par des organisations internationales mais aussi pour mener des actions dans le cadre de la RSE. Pour le groupe EDF, j'ai mené des actions sur la féminisation des métiers dits masculins. 

Démocratisation du leadership féminin

Nous sommes passés de blogà  start-up. Nous avons immatriculé l€™entreprise en 2021. Nous recherchons notre modà¨le économique, nous ttonnons encore pour voir ce qui fonctionne. Ce dont nous sommes sà»rs, c'est que nous allons continuerà  faire ce qu'il y aà  faire pour pouvoir démocratiser le leadership féminin. Pour que lorsque qu'il y a une femme, jeune, quel que soit songe dans la Caraà¯be, qui est leader et qui fait avancer sa communauté tout en étant assez assertive, ce ne soit pas vu comme de l'arrogance et queàça devienne toutà  fait normal. C e qui n€™est pas normal, c'est que dans notre Caraà¯be post-coloniale et post-esclavagiste, nos familles soient trà¨s matrifocales, que tout repose sur les épaules des femmes mais que ces sociétés restent patriarcales. On a cette idée qu'il faut que l'on soit avalisée, validée par un homme, pour que l'on soit r econnue. Ce n€™est pas correct. 

Parle-nous des Experts au féminin !

Les Experts au féminin, c'est une émission coproduite par Caribbean Boss Lady et Eclair TV en Guadeloupe. Elle est diffusée chaque lundi soirà  20h10. L'idée, c'est de pouvoir véritablement montrer des femmes expertes dans leurs domaines : l'économie, l'entrepreneuriat, ou bien d'autres c hoses.

La visibilité des femmes expertes

Nous sommes partis du constat que la représentation féminine de femmes expertesà  la télévision est bien moindre que la réalité. Les derniers chiffres du CSA montrent qu'il n'y a qu€™à  peine 45% de femmes expertes invitées dans les médias, particulià¨rement la télévision età  la radio. Tout cela participeà  entretenir des stéréotypes concernant les rôles des femmes au sein de la société. Il yà  des femmes qui sont extrêmement compétentes pour parler de fiscalité, de stratégie, de grands projets structurants pour leurs territoires. Ces femmes là , on ne les voit que trà¨s peuà  la télévision. Du coup, nous avons décidé de lancer cette émission en novembre 2021. Nous invitons des hommes aussi. Les replays sont aussi disponibles sur Youtube et Facebook.

L'importance des role models

L€™idée, c€™est de montrer des parcours inspirants de femmes de chez nous pour pouvoir donner envie aux autres femmes de se lancer et d€™affirmer leur leadership et leurs compétences. O n sait quelle est l'importance du role model, cette figure de personne qui nous ressemble età  qui on peut s'identifier. Je me souviens, quand j'étais petite, de certaines femmes de Guadeloupe qui me faisaient rêver. On n'a pas nécessairement besoin d€™aller chercher des Michelle Obama comme role models, même si je les adore.

Et vous ? Prêt·e·sà  libérer votre potentiel pour votre retour au pays en Guadeloupe ? Partagez votre avis en commentaire !

Revoir le Caribexpat Live Spécial "Retour au pays : rentrer pourêtre entrepreneure en Guadeloupe" https://www.youtube.com/watch?v=TeFUJNiz-Wo&t=540s Plus d'infos sur les intervenantes de ce Caribexpat Live :

  1. Caribbean Boss Lady, la plateforme créée par Axelle

  2. L'émission TV Les Experts au féminin, et les épisodes sur YouTubeCrédit photo :

  3. Photo de couverture : caribbeanbosslady.com Rédaction : Candice Hill œ¨

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