Les membres Caribexpats sont interviewés tous les joursà 12h30 en partenariat avec la radio RCI dans l'émission "Les Antillais dans le Monde". Emmanuel, antillaisà Addis Abeba (Ethiopie), travaille pour un fonds d'investissement. Originaire de Martinique, il a accepté de partager son parcours.Contactez-nous pour passer dans l'émission : team caribexpat.com (remplacer par @)
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Partie 1 €“ Interview d€™Emmanuel, antillaisà Addis Abeba (Ethiopie)
Bonjour Emmanuel, vous habitez en Ethiopie,à Addis Abeba depuis quelques mois maintenant. Qu€™est-ce qui vous a amenéà vous installer dans ce pays d€™Afrique de l€™Est ?
C€™est un concours de circonstance et aussi l€™opportunité qui s€™est présentée dans le cadre de mon travail. Je travaille pour un fond d€™investissement qui développe et finance des infrastructures de long terme initialement sur toute la zone OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développementà‰conomique). Depuis trois ans, la décision a été prise d€™entamer un virage sur les pays émergents. Ces contextes m€™ont toujours attirés. Dà¨s queàça s€™est présenté, j€™ai candidaté pourêtre impliqué dans cette nouvelle aventure. Au démarrage, on était plutôt concentré sur l€™Afrique de l€™Ouest. Puis la décision a été prise d€™ouvrir un bureau régional pour l€™Afrique de l€™Est enà‰thiopie. On m€™a demandé de partir pour ouvrir le bureau avec une équipe donc je résideà Addis Abeba depuis Septembre 2017.
Racontez-moi un peu votre parcoursà la Martinique.
Je suis né et j€™ai grandi en Martinique,à Sainte-Marie. J€™ai passé le Bac là -bas. J€™ai fait une premià¨re année d€™études en Guadeloupe avant de partir pour Montpellier oùj€™ai passé quatre ans. Ensuite je suis partià Lyon pour finaliser mes études sur les aspects business finances avant de rejoindre la société dans laquelle je suis dans le cadre d€™un stage de fin d€™étudesà Paris. Je suis resté jusqu€™à mon détachement en Afrique, enà‰thiopie en septembre dernier.
Ce sont des domaines qui vous ont toujours intéressé le développement et l€™investissement ?
Pas toujours. C€™est un domaine que j€™ai découvert un peu tard. Pendant longtemps j€™ai un peu cherché ma voie. C€™est un concours de circonstances. J€™étais assez curieux et j€™ai trouvé des gens qui ont pu répondreà mes questions et m€™orienter. J€™avais déjà été exposé au secteur des financements dans le cadre de mon stage, j€™ai compris qu€™il y avait une appétence réelle de mon côté pour développeràça. Tout s€™est déclenché lors d€™une rencontre avec une femme qui travaillait dans un fond d€™investissementà Paris. Elle m€™a expliqué un peu ce qu€™elle faisait. Je lui ai dit « comment est-ce qu€™on fait pour faire ce que vous faites ? ». J€™ai suivi ses conseils pour en arriver là .
Parlons concrà¨tement de ce que vous faites et du fonctionnement d€™un fond d€™investissement pour comprendre ce qui vous a attiré dans ce secteur.
Les fonds d€™investissement sont variés dépendamment des secteurs. Le fond dans lequel je travaille, Meridiam, a un modà¨le atypique par rapport au secteur dans lequel on évolue qui est l€™infrastructure. De manià¨re générale, ce qui reste vrai partout c€™est qu€™un fond d€™investissement finalement c€™est une équipe de personnes avec des compétences dédiées, ciblées qui décident de gérer et d€™investir l€™argent d€™investisseurs tiers pouvantêtre des institutionnels, des sociétés ou des individus.
Est-ce que pour vous c€™était une évidence d€™envisager l€™étranger ?
Oui parce qu€™il y a toujours eu cette appétence chez moi. Ensuite dans le secteur des infrastructures, on fait du financement de projets donc on est beaucoup amenéà voyager contrairementà d€™autres secteurs d€™investissement.
Partie 2 - Interview d€™Emmanuel antillaisà Addis Abeba (Ethiopie)
On est amenéà voyager parce qu€™on développe des projets dans d€™autres pays et il faut rencontrer les autorités publiques, les partenaires locaux avec qui on s€™associe pour la réalisation des projets. A côté deàça, j€™avais cet appétit pour le contexte émergent. Quand l€™opportunité s€™est présentée d€™aller en Afrique, c€™était donc une décision naturelle.
Racontez-nous vos premiers pas sur le continent africain.
Donc le premier contact était en Afrique de l€™Ouest, en Côte d€™Ivoire. Il y a une chose qui m€™a marqué : j€™avais l€™impression d€™être aux Antilles car le droit local est calé sur le droit franàçais, tout est écrit en franàçais, même la signalisation sur la route qui ressemble aux panneaux qu€™on voit en Martinique. Du fait de mon background Antillais, Caribéen, j€™avais la sensation de pouvoir naviguer aisément dans cette culture.Çà a s€™est vérifié aprà¨s dans beaucoup de relations d€™affaires ou personnelles que j€™ai pu btir là -bas, quand j€™ai comparé avec des collà¨gues ou même d€™autres partenaires européens qui évoluaient là -bas en même temps que moi. Il y avait une aisance, je me retrouvais dans un environnement que je comprenais. Le contexte était trà¨s similaire etàça aide.
Dans l€™autre versant de l€™Afrique enà‰thiopie, l€™approche est différente ?
Oui. Les pays d€™Afrique de l€™Est sont différents des pays francophones d€™ Afrique de l€™Ouest. L€™à‰thiopie c€™est vraiment un pays sans équivalent en Afriqueà mon sens. C€™est liéà plusieurs aspects. Ils n€™ont jamais été colonisés donc ils revendiquent une histoire profonde dans laquelle ils sont trà¨s ancrés. Ils ont développé une culture associéeà àça qui est assez impressionnante. En arrivant là -bas, on fait preuve d€™humilité, on écoute beaucoup et on essaie de comprendre les codes sociaux pour ensuite s€™adapter. Aussi, le métissage éthiopien est trà¨s proche en terme de rendu, si on peut direàça, des métissages antillais. Quand on est Antillaisà Addis Abeba, ils pensent qu€™on està‰thiopien. J€™ai expliqué qu€™on est tousà‰thiopiens indépendamment du point d€™origine qu€™on choisit mais qu€™on n€™est pas de là . Maisàça facilite beaucoup le contact !
Comment s€™est passé votre installation dans la ville Addis-Abeba ?
Trà¨s naturellement. J€™ai la chance d€™avoir un contact aisé. Je n€™ai pas forcément de difficultéà aller vers les gens. C€™est aussi vrai qu€™à Addis il y a une communauté de diplomates et d€™expatriés importante. Finalement on se retrouve trà¨s facilement dans des repà¨res qu€™on connaît. Aprà¨s il y a tellementà découvrir dans ce pays que ce serait un peu du gchis de se retrancher dans des choses qu€™on connaît déjà et rester dans sa zone de confort. Donc sur le plan personnelàça s€™est trà¨s bien passé. Du fait de mes origines antillaises, je pense qu€™ils étaient aussi intrigués et fascinés parce qu€™ils n€™arrivaient pasà me mettre dans une case €œAméricain€, €œFranàçais€, €œAllemand€ et ils voyaient que je leur ressemblais. Le contact s€™est fait assez bien. Par contre sur le plan administratif, c€™est un pays assez bureaucratique dans lequel les rà¨gles ne sont pas toujours claires. Doncàça a demandé quand même un temps d€™adaptation. Je pense qu€™il y a quelques clés qui sont importantesà avoir, mais une fois qu€™on les a on peut se débrouiller aisément.
Partie 3 - Interview d€™Emmanuel antillaisà Addis Abeba (Ethiopie)
Addis-Abeba, est l€™une des villes les plus sà»res d€™Afrique. La sécurité c€™est vraiment, une affaire d€™à‰tat du fait de la présence importante des diplomates : le sià¨ge de l€™Union Africaine, un des gros bureaux de l€™ONU, la plus grande ambassade américaine etc€¦ Il y a une vraie volonté du gouvernement éthiopien de s€™assurer qu€™en dépit du contexte régional compliqué de la corne de l€™Afrique, qu€™à Addis, la sécurité sera assurée. On peut se balader le soir sans trop se poser de questions, ce qui n€™est pas le cas de beaucoup d€™autres villes en Afrique. Addis està 2600 mà¨tres d€™altitude donc l€™organisme doit s€™habituer. Il n€™y a pas de malaria c€™est plutôt bien. La propreté de la ville m€™a beaucoup marquée. Quand je compare avec d€™autres villes d€™Afrique de l€™Ouest, Addis ressembleà une ville des pays émergents avec pas mal de btiments en construction, mais la propreté est assez visible. On ne verra pas d€™ordures dans la rue, tout est organisé.
Commentàça se passe du côté de l€™adaptationà la nourriture, les nouveaux goà»ts que vous découvrez ?
Il y a des gens qui adorent et d€™autres qui ne supportent pas. Je suis entre les deux. J€™aime beaucoup la gastronomie éthiopienne. Par contre, il y a des épices et des combinaisons auxquelles nos estomacs occidentaux ne sont pas habitués doncàça prend un temps d€™adaptation. Par exemple, l€™injera, un des plats traditionnels est une galetteà base d'une céréale qui s€™appelle le teff, qui est produite par fermentation des graines et qui a un goà»t un peu acide. C€™est vrai que pour un palais occidental traditionnel, ce n€™est pas un goà»t évident. Mais au-delà deàça, il y a pas mal de choix dans la gastronomie et il y a des saveurs assez différentes que l€™on découvre.
A part Addis-Abeba, avez-vous eu l€™occasion de visiter l€™Ethiopie ?
J€™ai eu l€™occasion d€™aller dans quelques villes. Le pays est fantastique. Cela fait deux ans et demi que je fais des allers-retours enà‰thiopie jusqu€™à septembre 2017 oùje me suis installé. C€™est vrai qu€™on a tellement de boulot que l€™on veut juste se reposer le week-end. Mais j€™essaie de sortir de la ville quand l€™opportunité se présente. L€™à‰thiopie est un pays qui diversifié. Le nord est assez sec, désertique et montagneux et le sud est extrêmement luxuriant avec des montagnes fabuleuses. La faune et la flore sont assez impressionnantes. La région de l€™Afar contient la plus grande dépression au monde, en fait ils ont une sorte de désert de sel qui est situé bien en dessous du niveau de la mer oùil fait extrêmement chaud. C€™est une région volcanique habitée par un peuple tribal qui est aussi impressionnant. Il y a une grande diversité enà‰thiopie. Ce qu€™ils reconnaissent et qu€™ils essaient d€™exploiter au maximum. Quand on prend l€™avion pour allerà Addis, il y a une poignée de voyageurs business sur l€™axe Paris- Addis sinon ce sont principalement des touristes qui viennent passer deux ou trois semaines pour visiter le pays.
Comment est le niveau de vieà Addis-Abeba ?
Il est correct. Les prix ne sont pas chers pour tout ce qui concerne l€™alimentation. On peut se nourrir pour vraiment pas grand-chose. Aprà¨s c€™est compliqué pour l€™immobilier avec la concentration diplomatique et d€™expatriés dans la ville, ceux qui ont la chance de détenir des appartements, des biens immobiliers, pratiquent des loyers exorbitants.
Partie 4 - Interview d€™Emmanuel antillaisà Addis Abeba (Ethiopie)
Quel est votre projet ? Est-ce-que l€™installation du bureau est sur un temps déterminé ?
L€™installation du bureau est un peuà durée indéterminée. Une des particularités du fond oùje travaille c€™est que quand on investi dans des projets c€™est généralement sur 20à 25 ans. On est vraiment sur des projets structurants dans une logique de rétention et de développementà long terme. Nos implantations suivent un peu ce modà¨le. Aprà¨s pour ce qui me concerne, je suis parti dans l'optique de dire que pour pouvoir bien développer et asseoir les choses, il faut bien trois ans dans le pays. Aprà¨s je reste flexible, j€™ai mon épouse qui me rejoindra depuis New York donc on verra oùle vent nous amà¨ne. Mais pour le moment, on part sur un horizon de 3à 5 ans.
Votre épouse est martiniquaise ou Américaine ?
Elle est Franco-haà¯tienne-américaine.
Donc pour elle c€™est aussi une nouveauté de venir en Afrique de l€™Est ?
Ouiàçà vaêtre la premià¨re fois qu€™on s€™installe en Afrique de l€™Est. Aprà¨s, comme j€™ai dit il y a beaucoup de similitudes avec la Caraà¯be, je dirais que c€™est plutôt un avantage.
A quoi se résume vos liens avec la Martinique aujourd€™hui ?
Cela se résumeà une veille active et des déplacements une fois par an au moins. J€™essaie de m€™en tenirà cette rigueur pour voir la famille et les amis. Ce n€™est pas forcément évident mais c€™est important de prendre le temps, de passer au moins une fois par an et se tenir au courant des choses, comment nos proches évoluent, comment ils vont et ne pasêtre totalement étrangerà ce qui se passe dans nos territoires.
Est-ce que l€™un de vos objectifsà long terme serait de revenir vivre en Martinique ?
Idéalement oui. C€™est assez drôle parce qu€™on en parlait récemment. Aprà¨sàça dépend beaucoup du projet. Certaines personnes rentrent parce qu€™il y a un appel familial, elles priment sur le moment et se disent qu€™elles verront aprà¨s. Nous pensons que pour qu€™on puisse rentrer, il faut réfléchir au préalableà un projet de retour en Martinique, comment est-ce qu€™on s€™organise financià¨rement sur le plan de vie, comment est-ce qu€™on va réapprendreà vivre dans les territoires qu€™on a connus certes mais qui ont évolué sans nous pendant qu€™on étaità l€™étranger. Ce sont des choses qui se préparent. Personnellement, ce scénario de retour se dessineà partir du moment oùil y a des perspectives claires : une activité professionnelle qui me permette d€™avoir une exposition similaireà celle que j€™ai aujourd€™hui. Je ne parle même pas du niveau de salaire, mais vraiment trouver une activité qui permette de voyager, travailler, contribuerà des sujets de développement intéressants sur la région. Ce serait pas mal.
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